Poésie


MUTATION
version 1



           J'étais prisonnière d'un corps, d'un épiderme épais, d'une carapace opaque, d'une chair comme de la boue séchée qui entravait mes mouvements, ma liberté. Et puis la peau s'est fissurée, comme une évidence, une vérité qui balaie tout avec fulgurance. La mutation avait commencé. D'abord inconsciemment, puis comme un combat. Mes lambeaux organiques, comme une mue salvatrice, s'arrachaient dans la douleur et l'espérance de voir enfin mon vrai corps et reconnaître mon visage dans le miroir du matin.

            Mon esprit aussi subissait ses métamorphoses. Identique, mais bien plus sensible, authentique dans chaque émotion, sans cette carapace qui fait mâle. Je craches sur la force, je veux être vrai, sensible, réceptive... je n'ai que faire de cette illusoire armure de muscles, de cette toute puissance masculine, de cette suffisance phallique. J'ai choisi ma nature contre leur culture. Je suis de plus en plus moi, dans tous mes émois, dans tous mes états.
             Je réaliserai cette mue, quoiqu'il m'en coûte, combien même vous me cracheriez au visage, me lapideriez de vos préjugés, je veux retrouver ce corps que mon âme a perdu. D'ailleurs ce n'est pas un choix, mais une puissante injonction viscérale que ma volonté accompagne. Je serai bien masochiste de choisir cette déconstruction, cette dissolution de ce que ma vie a pu être. Sortir de cette pelure se fait dans la douleur, je suis vulnérable comme un nouveau né, mes émotions se jouent de moi. Le regard des autres m'agresse, leurs mots deviennent mes maux.
            Je me sens parfois si incomprise, si seule. Qui aimera une créature tel que moi, cette hérésie contre nature, comme ils disent, qui est d'un genre si douteux. L'amour est un sujet si douloureux, qui me heurte,  une illusion impossible qui se fracasse sur les récifs de la binarité. Je navigue en solitaire, sans boussoles, sur des océans capricieux. J'essuie des tempêtes assassines ou je me morfond sur une mer calme, plate et morne. Mes sentiments s'évaporent toujours dans la souffrance et la solitude. Navigatrice de l'amer, je n'accoste jamais sur une terre douce, hospitalière...

         Je suis moi, seulement moi, rien que moi. Toi qui a voulu tuer ton père et baiser ta mère, tu t'es construit dans ce désir incestueux. Moi pas. Ton dieu est un phallus dominateur, le mien est une amazone insoumise, une guerrière libre et fière. Tu hais ce que je suis mais sais tu qui tu es? Peut être n' es tu qu'une pâle copie, qu' une reproduction tirée à l'infini, qu' un modèle du temps et d'ici. Alors que moi, je sais qui je suis, et je sais pourquoi.
        Je vois si souvent l'ignorance et la frustration dans tes discours plein d'assurance, dans ta morale séculaire, populiste du dicton, du dicta, qui dicte, aphone, des symboles dogmatiques. Ton bien être a exclu la maïeutique et les questions fondamentales de l'être. La doxa ambiante te réconforte de la conformité de ce qui te constitue.
           Tu bois, tu mange, tu baise et tu es dans l'ataraxie, comme les animaux. Moi ma nourriture est aussi spirituelle, j'ai besoin d'être moi pour aspirer au bonheur, et si ce moi t'es impensable, alors c'est toi que je plains.


MUTATION
version2 

 
Prisonnière
 Carapace,
La peau
 Fissurée
Evidence,
Fulgurance,
Immanence
Mutation,
Lambeaux
Mue
Renaissance
Reconnaître
Mon vrai corps,
Corps à corps
En désaccord.
Métamorphose,
Sensible, sensée,
Concentrique,
Organique,
Authentique...
Cracher
Sur la force, 
Illusoire
Armure de muscle.
Choisir
Ma nature,
Contre
Leur culture.
Retrouver ce corps,
Que mon âme
A perdu
Retrouver ce visage
Aux traits méconnus.
Injonction viscérale,
Déconstruction,
Dissolution.
Implosion qui fait mal.
Sortir de cette pelure,
 Vulnérable...
Incomprise,
Seule,
Amour,
Douleur,
Illusion impossible,
Sentiments,
Souffrance...
Je n’ai plus
 D’espérance.
Ton dieu
Est un phallus
Dominateur!
Ton ignorance,
Tes frustrations,
Tes discours,
Tes dictons,
Tes diktats,
Ton dogmatisme, 
Exclu...
Être moi
T’es impensable.




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